Aujourd'hui dans Attaque éclair, on prend des cours Pokémon avant de faire un bond de quinze ans en arrière dans le jeu de cartes Pokémon pour finir par faire connaissance avec les pokémon abandonnés de la deuxième génération.
Pokémon n’est pas encore une matière enseignée à l’école. Son univers est pourtant devenu un objet de recherche à part entière à l’université. Quentin Gervasoni voit approcher son trente-deuxième anniversaire. En France, il est l’un des chercheurs ayant le plus travaillé sur la question Pokémon dans l’enseignement supérieur. “J’ai soutenu ma thèse tout récemment, le 30 janvier dernier à l’Université Paris 13”, sourit le désormais post-doctorant à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Quentin Gervasoni s’occupe aussi de gérer le blog Pokémon Doctorate, dans lequel il a publié plusieurs articles destinés à synthétiser quelques réflexions ainsi que les coulisses de ses recherches. “J’avais envie de diffuser mes travaux à plus de gens que mes seuls collègues. Je voulais aussi m’en servir pour partager des expériences et conseils à d’autres personnes intéressées par le milieu universitaire”, explique-t-il. Sa thèse, fruit d’un travail de plus de cinq ans, s’intitule : “Les mécanismes affectifs de la captation des publics sur internet : production, circulation et appropriation culturelle de Pokémon”. Ses recherches ont flirté avec l’anthropologie ou les sciences de l’éducation. Quentin Gervasoni se qualifie davantage comme un sociologue à travers ses méthodes d’enquête. “La question centrale et qui a servi de fil conducteur à ma thèse est la suivante : comment est-ce possible qu’il y ait autant de fans adultes de Pokémon”, interroge le chercheur. Il a alors étudié la question via de nombreux espaces numériques, notamment celui appelé le “Pokéweb” pour tenter de comprendre l’attachement durable à cette franchise. “Je pense que cela aurait très bien pu se transposer à d’autres objets culturels”, reconnaît le docteur.
Impossible de s'y tromper. © Capture d'écran pkd.hypotheses.org
Avant lui, seul l’ouvrage “La grande aventure de Pikachu : grandeur et décadence du phénomène Pokémon” tentait en 2004 d’étudier Pokémon à la loupe des sciences humaines et sociales. L’ouvrage collectif était dirigé par Joseph Tobin, anthropologue américain. “Il y a ensuite eu une apparition massive d’articles scientifiques à partir de l’avènement de Pokémon GO [en 2016], se souvient Quentin Gervasoni. Ils étaient surtout consacrés aux questions de santé, sécurité routière, bien-être ou marketing. Mais il n’a jamais existé de champ de recherche concret sur Pokémon, alors que ça a pu être le cas pour d’autres franchises culturelles comme Star Wars”, note le chercheur.
L’univers créé par Satoshi Tajiri serait-il trop léger pour pouvoir être pris au sérieux à l’université ? “Dans la recherche en sciences sociales, les gens sont plutôt ouverts à étudier des sujets assez variés, car ils ont moins de mépris par défaut pour des objets de culture populaire”, écarte Quentin Gervasoni. En France, quelques autres noms ont tenté d’éclairer Pokémon à la lumière de la connaissance académique. En 2018, Marion Perrier a soutenu une thèse en sciences du langage, baptisée “Regards sur l’animation japonaise : une étude comparative France-Japon”. Du côté des sciences de l’information et de la communication, Guillaume Campredon s’est intéressé au signe Pokémon - au sens sémiotique. Il soutient en 2021 sa thèse “Pour une théorie du signe augmenté, sémiotiques du monstre en société : Les trajectoires médiatiques et politiques de la franchise et du signe Pokémon”. La même année, Julien Lalu se penche sur une “analyse des discours anti-Pokémon dans le monde chrétien” dans un article scientifique. Et… on a à peu près fait le tour.
“Je pense que mon travail a contribué à renouveler une forme d’attachement personnel pour Pokémon”.
Le flambeau sera peut-être repris : Quentin Gervasoni a récemment été contacté par une étudiante qui entreprend de réaliser un mémoire de recherche sur les cartes Pokémon. Lui a bifurqué depuis sa soutenance. Il travaille désormais pour le projet DEMOSERIES de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, qui “vise à étudier le soft power des séries TV”. Pokémon n’est jamais bien loin pour autant. “Avant de travailler dessus, j’aimais bien la franchise mais ça ne prenait pas énormément de place dans ma vie. Je pense que mon travail a contribué à renouveler une forme d’attachement personnel pour Pokémon”, confie le docteur.
Pour aller plus loin, je conseille de lire ce billet de blog publié par Quentin Gervasoni : “Pourquoi étudier des objets futiles ?”
Toujours le mois de fêtevrier.
C’est devenu un rituel, la “Journée Pokémon” aura bien lieu ce mardi 27 février, date anniversaire de la sortie des premiers jeux Pokémon. On s’en doutait, mais The Pokémon Company l’a confirmé, un Pokémon Presents sera bien diffusé ce jour-là à 15h00 (heure française) sur la chaîne Youtube de Pokémon. Le Pokéweb - nom donné à la communauté Pokémon en ligne - s’enflamme depuis plusieurs jours, chacun y allant de sa théorie pour tenter de deviner ce que la firme japonaise nous réserve pour l’avenir. Verdict mardi.
Tour céleste.
Et pour fêter son anniversaire, Pokémon a décidé de la jouer tape à l’œil cette année. Le mythique Empire State Building, immense tour qui surplombe New York, s’illuminera en bleu et jaune le 27 février, en rappel aux couleurs du logo Pokémon. Plus d’informations ici.
Plutôt anarchie.
Il y a dix ans, la communauté Pokémon se déchirait sur la plateforme Twitch. D’un côté, on trouvait les défenseur.e.s de la démocratie. De l’autre, les vacciné.e.s de l’autorité tentaient de prêcher en faveur de l’anarchie. Leurs comptes se réglaient sur TwitchPlaysPokemon, un stream interactif conçu par un.e programmeur.euse australien.ne. Toustes avaient un but commun : terminer Pokémon. Simple quand on est seul, une gageure à plusieurs dizaines de milliers. Pour fêter le dixième anniversaire du phénomène, la chaîne officielle TwitchPlaysPokemon a voulu réitérer l’expérience. La communauté est venue à bout du Conseil 4 de Kanto il y a trois jours, mais la partie continue toujours à l’heure où sont écrites ces lignes sur Pokémon Or, juste ici.
Avez-vous déjà réussi à compléter une collection entière de cartes Pokémon ? Ou, comme moi, vous avez peut-être au moins essayé. Du haut de mes dix ans, c’est dans l’extension “Diamant & Perle - Éveil des Légendes” que je me suis le plus investi. (Spoiler : j’ai jamais réussi à accomplir ma quête). Et ça tombe bien, parce qu’on fête les quinze ans de sa parution ce mois-ci (10 février 2009).
Elle doit encore traîner quelque part chez moi. J'en étais fier à l'époque. © Victor Gomes via Poképédia
Il s’agit de l’avant-dernière extension de cartes Diamant & Perle - on approche à l’époque de la sortie de Pokémon version Platine. Et c’était apparemment la mauvaise collection à viser puisque j’apprends en écrivant ces lignes qu’avec ses 146 cartes différentes, “Éveil des Légendes” était la plus fournie de l’ère Diamant & Perle. En tout cas, elle m’aura laissé d’excellents souvenirs, comme ce majestueux Scorvol X obtenu à l’issue d’âpres négociations au cours d’une récréation quelconque à l’école, contre cinq cartes rares (en vrai, je crois que c’était pas une bonne affaire). Je ne suis visiblement pas le seul que l’extension a marqué, puisqu’elle fait toujours l’objet de vidéos d’ouverture de nos jours.
Il existe aujourd’hui 1025 pokémon répertoriés - sans compter les différentes variations de formes. Mais on aurait pu en connaître bien plus. Les créatures abandonnées sont nombreuses, en particulier dans les premières versions. Ed Layton est un Youtuber qui s’est spécialisé dans le déterrage de contenu inutilisé dans les jeux Pokémon. Dans sa dernière vidéo, il compile l’entièreté des Pokémon abandonnés de la 2ème génération. C’est une fuite de données qui révèle leur existence en 2018, issues de démos de Pokémon Or et Argent présentées au Nintendo Space World en 1997, un salon de jeux vidéo au Japon. Le “gigaleak” de 2020 a par la suite étalé le code source des jeux sur la place publique. Entre évolutions avortées, lignées entières anéanties et toutes premières ébauches de Pokémon qui ont fini par voir le jour, Ed Layton nous replonge dans des versions prototypes qui ressemblaient finalement peu à ce que l’on connaît aujourd’hui. Prévoyez une bonne heure devant vous !
Merci d’avoir lu cette lettre ! Vous l’avez peut-être remarqué, l’envoi de celle-ci a pris du retard en raison de quelques difficultés rencontrées. Veuillez accepter toutes mes excuses.
Je serais bien sûr ravi d’échanger à propos des sujets abordés aujourd’hui, de recevoir vos retours sur cette infolettre, ou même de discuter de Pokémon ! Mes mails sont ouverts : mehdi.magueur@gmail.com
On se retrouve le mercredi 6 mars - sans faute - pour un nouveau numéro d’Attaque éclair ! Excellent Pokémon Day à toutes et tous !
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